• Être libre est une force!

    L'expérience de Milgram, ou la force d'être libre!

     

    C'est le contrat entre nous, ces articles traitent de sujets hétéroclites. Nous aborderons donc dans celui-ci: l'expérience de Milgram (Stanley Milgram). Psychologue social, Stanley Milgram tente de comprendre ce qui a poussé les nazis à obéir aux ordres contre nature qui leur étaient donnés.

     

    L'expérience, dont il est question est tentée de 1960 à 1963, (après le procès de Nuremberg). Elle avait pour but de comprendre et d'expliquer comment des êtres humains ont pu commettre les exactions inhumaines des camps de concentration. Il se pose la question: "Pendant combien de temps un individu donnera des chocs à un autre si on lui dit de le faire, même si il pense que l'autre personne pourrait être gravement blessée?". Nous traiterons de l'éthique de cette expérience (largement critiquée), nous réfléchirons sur les résultats de l'expérience et nous nous poserons, comme à l'accoutumée, quelques questions. Le programme vous convient? Alors partons à la découverte d'une expérience dérangeante et instructive, dont les résultats laissent à réfléchir.

     

    Le principe de l'expérience: une personne complice de l'expérience doit retenir une liste contenant des mots associés (ex: matin calme). Le cobaye de l'expérience interroge le complice et le punit d'un choc électrique en cas de mauvaise réponse. Questionneur et questionné se "connaissent" dans la mesure où, ils ont étés présentés l'un à l'autre lors de l'explication préliminaire de l'expérience. L'autorité (un scientifique dans l'expérience originelle), explique que les chocs sont graduels et atteignent une zone mortelle, puis il procède à un tirage au sort truqué qui définit les rôles: le cobaye sera interrogateur, le complice sera interrogé. L'autorité, à l'aide d'injonctions ("vous devez continuer", "l'expérience exige que vous continuiez") ordonne au cobaye d'administrer les punitions. Les résultats montrent que 65% des cobayes sont prêts à châtier un humain qu'ils ont vu, d'une peine pouvant aller jusqu'à la mort, sans contrepartie. Par extension, on peut considérer que 65% de la population est capable de cet acte. Cela "expliquerait" les réponses de certains accusés lors du procès de Nuremberg, lorsque leur ligne de défense était: "je répondais aux ordres".

     

    Cette expérience a été reconduite récemment (2014) par une équipe française dirigée par le professeur Jean-Léon Beauvois(reportage ICI). Quoiqu'on puisse interpréter, dans le reportage, un "diabolisme" du média télévisuel, c'est sous l'angle de la servitude volontaire (que Milgram nommera l'état agentique) que nous le regarderons. En effet, l'expérience originelle cherche à comprendre le niveau de pouvoir qu'une autorité détient sur des individus et non à diaboliser le média qui représente cette autorité. Du reste l'expérience originelle est mise en scène dans un cadre scientifique et n'a pour objectif de diaboliser les scientifiques. Voilà pour notre axe de lecture, nous réfléchirons sur le fond et non la forme de cette expérience.

     

    Avant tout rappelons la règle de non-jugement qui prévaut dans ce blog. Nul n'est besoin de juger du comportement de ses pairs. Un effort est demandé pour considérer ce résultat comme "naturel". Naturel au sens où il représente une majorité d'individus dans le cadre de cette expérience. Juger de l'acte d'obéissance est insignifiant, inconsistant, dans la mesure où nous ne pouvons que supposer notre propre réaction et que cette supposition peut être considérée comme peu fiable, voire nulle. Re-précision dans la lecture que bourreau et victime se "connaissent", du moins ils ont été présentés en amont du moment l'expérience proprement dite. Est constaté dans les résultats que malgré cette "proximité", 70% des individus vont au bout de l'acte potentiellement mortel. Quoique "naturel" il est notable que le sens moral de l'humain, dans le fonctionnement qui est encore le sien, semble peu enclin au libre-arbitre.

     

    Lorsqu'il agit en état agentique, l'humain semble décharger la responsabilité de ses actes sur l'autorité qui lui a intimé l'ordre. Il ne se considère pas en tant qu'acteur mais spectateur de ses actes. Le cobaye prend de la distance, au motif que l'autorité l'a "obligé". Ce n'est pas lui qui a agit, c'est l'autorité à travers lui. Le cobaye et sa nature humaine semblent disparaitre au profit de l'autorité. D'autant que dans cette expérience le cobaye n'administre qu'à travers un bouton froid et dépersonnalisé la sanction. Il n'a pas de contact physique (cependant nous reviendrons plus tard sur cela, avec une autre expérience).

     

    Une minorité d'individus semble trouver la force nécessaire pour désobéir à un ordre qu'ils considèrent comme n'étant pas moral, du moins comme trop différent de leurs valeurs, pour s'y conformer. Notez que nous parlons ici de force, car, partant du principe que l'humain est bon, même les bourreaux le sont. Selon notre lecture, les cobayes se laissent porter par une injonction et s'en dissocient. Ils agissent sans libre-arbitre. Ils se rangent du coté des cerfs volontaires. Il est difficile de trouver le courage ou la force de désobéir à une autorité, surtout si celle-ci demande d'agir contre nature. Ce cadre peut instaurer la tyrannie  de la peur, la dictature de l'obéissance.

    En analyse transactionnelle, l'obéissance à un ordre se lit au travers des états du moi parent/enfant. L'ordre provient d'un parent normatif et est accueilli et exécuté par  un enfant adapté soumis. Voici également une raison qui nous pousse à ne pas juger de la réponse, qu'elle soit conforme à l'ordre où désobéissante. Vous êtes-vous retrouvé confronté à ce genre de situation? Avez-vous managé ou agi de façon injuste sur demande d'une "autorité"? Pensez-vous avoir la force, ou le courage, ou la volonté de choisir vos valeurs plus que l'injonction qui vous pousserai à blesser mortellement quelqu'un? 

     

    Une autre expérience a été tentée par Philip Zimbardo. Elle est connue sous le nom de l'expérience de Stanford. Vous la connaissez certainement. Elle a été tentée à Stanford et a mis des étudiants dans la peau de prisonniers ou de gardiens. Philip Zimbardo parle d'effet Lucifer pour "justifier" de la cruauté et du sadisme dont font preuve les gardiens. Cette expérience n'est jamais arrivée à son terme. Prévue pour durer deux semaines, c'est au bout de six jours seulement qu'elle s'est arrêtée, pour la santé mentale de tous les participants.

     

    Ces expériences ont étés critiquées à plusieurs niveaux. Toutes deux, sont considérées comme manquant d'éthique. En effet, il existe des dommages collatéraux sur les sujets expérimentés. Pour les bourreaux de Milgram qui ont obéi, il leur faut vivre avec l'idée qu'ils sont potentiellement allés jusqu'à tuer un être humain sans contrepartie, lorsqu'ils en ont étés sommés. Pour les gardiens de Stanford, il leur faut vivre avec la cruauté dont ils ont fait preuve. Malgré le suivi psychologique, la distanciation d'avec leurs actes peut être difficile. Le protocole de Milgram subit également les critiques éthiques au motif que le fondement même de l'expérience vit sur le mensonge: la victime est complice, elle ne reçoit aucun choc, le sujet expérimenté n'en est pas informé. L'éthique semble malheureusement de nos jours, une notion bien peu usitée. Preuves en sont les nombreux scandales sanitaires liés aux implants mammaires ou autres produits mis sur le marché, sans assurance ou transparence, sur leurs effets secondaires et leur nocivité. La nature est ainsi faite qu'elle permette aux individus de transgresser et de nier le bien commun pour un bénéfice personnel.

     

    Les résultats de toutes deux sont contestés. Les résultats de l'expérience de Stanford occultent les interventions du scientifique, qui loin d'être neutre, selon les comptes rendus, a peut-être induit ou encouragé certains comportements. On reproche à Milgram d'avoir mis en avant les chiffres les plus "spectaculaires". En effet de nombreuses variantes ont été expérimentées avec des résultats différents et n'ont pas autant été communiquées par Milgram. Par exemple, il occulte le fait que certains candidats émettaient de sérieux doutes sur les "souffrances" qu'ils infligeaient. De plus, selon les variantes, on constate des oscillations de 65% à 0%  d'obéissance pour certaines, selon les conditions de mise en scène du protocole. 

     

    Depuis l'œuvre de La Boétie, on sait que sous un angle, l'humain est plus apte à servir le tyran qu'à lui désobéir. La liberté est un droit que l'on s'accorde ou se refuse. L'autorité n'a que le pouvoir qu'on lui confère. Ces caractéristiques sont  misent en lumière par l'expérience de Milgram. Du moins la question se pose de la faculté humaine à obéir à un ordre immoral, qui blesse l'autre et soi, car malgré une distanciation, un bourreau vit avec la conviction d'être un bourreau quelque part caché dans un coin de son inconscient. L'histoire jusqu'ici tant à prouver que l'humain peut agir à l'encontre de son propre bien, à l'encontre de ses convictions, à l'encontre de sa morale ou du bien commun. Il lui faut faire montre d'une grande force ou d'un grand courage pour être libre de penser et d'agir à contre courant de la majorité ou des injonctions sociales ou sociétales.

     

    Notons que le rire est notre première arme de défense en cas de stress. Observez, dans le reportage, lorsque l'autorité annonce comment sera sanctionnée l'erreur, la réaction de la plupart des sujets expérimentaux. Ils rient "nerveusement". Certains rient ou sourient lorsque la victime cri à la suite d'un choc, pour se protéger de se qui se déroule. Le rire est un moyen de distanciation. Observez comment certains enfants réagissent à la réprimande de petites bêtises, quoiqu'ils s'en sachent les auteurs. Ils relativisent, se distancient.

     

    L'idée maitresse de cet article, est qu'être libre est une force! La force de désobéir. La force d'affronter une sanction plutôt que d'infliger des sévices. La force de sortir d'une zone de confort, de se dépasser au risque de déplaire et de se réaliser en accord avec ses valeurs, fussent-elles contradictoires avec les injonctions de l'autorité. La force est une capacité qui se développe, qui se muscle, qui s'augmente, sans ou avec un accompagnement. Si vous souhaitez vous faire accompagner pour développer cette compétence, cliquez ICI.


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